L’élevage moderne des abeilles – M. BIRI

réf. coop AP078 (1977)

Introduction

Depuis de nombreuses années, l'apiculture a été, sur le plan économique, reconnue pour son utilité dans le domaine agricole, et en particulier dans celui de la pollinisation croisée de nombreuses plantes cultivées fécondées par les abeilles. Tel est le cas du poirier, du pommier, de l'abricotier, du cerisier, du prunier, de l'amandier, du pêcher et autres arbres fruitiers; citons également, parmi les plantes herbacées, la luzerne, le trèfle, le sainfoin, le lupin et autres plantes fourragères, en particulier lorsqu'elles sont destinées à la production de graines; que ces plantes soient cultivées en parcelles expérimentales ou en plein champ, on est en effet parvenu, en plaçant à dessein des ruches à proximité, à doubler et même tripler leur rendement par rapport à celui des cultures privées de l'intervention des abeilles. 90% des insectes qui butinent les fleurs sont des abeilles; ce sont d'ailleurs pratiquement les seuls insectes récolteurs de pollen que l'homme puisse élever et exploiter à des fins économiques.

L'utilité des abeilles, négligées sans raison apparente par de nombreux agriculteurs, voire même par les organisations agricoles, a été progressivement reconnue par de nombreux états comme les USA, l'URSS, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, les Pays scandinaves, le Japon et bien d'autres qui ont su entrevoir la nécessité d'augmenter le nombre de leurs ruches par hectare afin d'accroître les productions unitaires de leurs cultures.

Par ailleurs, dans certains pays européens et extra-européens, l'aide octroyée par les gouvernements aux apiculteurs, la rétribution que ces derniers perçoivent des agriculteurs désireux de posséder un certain nombre de ruches, témoignent de l'apport considérable que peut représenter l'apiculture pour l'agriculture.

Dans les pays à culture intensive, la production de miel par ruche est en général assez faible et ne parvient pas, à elle seule, à rentabiliser le travail des apiculteurs.

Actuellement, il n'est pas tellement intéressant de protéger le miel, produit d'ailleurs en quantité plutôt modeste, et dont la valeur totale se situe aux environs de soixante millions de francs. Il faudrait au contraire envisager de favoriser l'apiculture en fonction de la production fruitière, dont la valeur est d'environ deux mil- liards de francs (pour plus de six millions de tonnes), et de la production de graines de légumineuses, elle aussi très importante.

Le but de l'apiculture n'est donc pas uniquement la production de miel; disons même que cet aspect, compte tenu des données dont nous disposons, est incontestablement secondaire par rapport à la pollinisation des plantes par les abeilles (donc à l'activité agricole). On a pu lire dans certains journaux: "L'apiculture traverse à l'heure actuelle une véritable crise en raison de la baisse du prix du miel due à l'importation illimitée et non sélective du miel étranger. Ce miel, exporté par des pays à forte production unitaire, est proposé sur le marché national à des prix non compétitifs pour les producteurs." De telles déclarations tendent en somme à démontrer que, le prix de revient du miel demeurant supérieur à sa valeur commerciale, l'élevage des abeilles perd de plus en plus d'intérêt; elles risquent en outre d'inciter les apiculteurs les plus passionnés à abandonner définitivement une activité qui, en l'absence de me- sures protectionnistes appropriées, semble vouée à l'échec. C'est un raisonnement dont il faut se méfier. Compte tenu des

moyens techniques mis à la disposition des couches rurales et des efforts entrepris par les planificateurs, compte tenu aussi des nombreuses fonctions de l'apiculture, celle-ci doit non seulement se survivre, mais encore progresser et évoluer.

Les rôles sont donc renversés: ce n'est plus l'apiculteur qui devrait demander à l'agriculteur la "permission" de placer une ruche dans son verger, en lui versant éventuellement un "péage", mais c'est bien plus l'arboriculteur qui devrait s'intéresser à l'élevage des abeilles ou prendre des ruches en location. Le miel ne doit plus être soumis à des mesures protectionnistes: il peut aussi bien être importé d'Argentine que de Chine! Les apiculteurs pourront faire baisser le coût de leur production grâce aux subventions qui leur seront octroyées par les Associations d'Arboriculteurs, le ministère de l'Agriculture ou certains organismes qui auront reconnu l'importance des abeilles sur le plan agricole et se seront transformés en promoteurs pour l'aide au développement et la reconnaissance de l'apiculture. Les consommateurs ne seront d'ailleurs pas les derniers à bénéficier de ces mesures puisqu'ils verront le prix du miel au détail diminuer.

M.BIRI